L'histoire prend place en Uddiyana, pays fictif d'Asie  qui n'est pas sans rappeler le Népal. Cet Etat vit une période troublée : la guerre civile fait rage, entraînant le pays dans une spirale de violence au point que l'Organisation des Nations Unies décide d'envoyer les Casques Bleus pour calmer les tensions. Le moment fort de ce raid prend alors place à Subasci, la capitale, où, une fois les forces de l'ONU en place, ces dernières et les citoyens coopèrent afin de brandir sur l'une des places de la ville un drapeau des Nations Unies marqués des symboles de Kufra, divinité locale se réincarnant dans une fillette. Le hasard, ou la chance, a voulu qu'à cet instant précis, alors que soldats et civils mettaient en place l'étendard, et que celui ne dévoile que l'ombre chinoise de "l'actuelle" Kufra, priant face au soleil, une photo soit prise de l'événement. Ce cliché fit rapidement le tour du globe et devint, avec ledit drapeau, le symbole des espoirs de paix des habitants de l'Uddiyana, propulsant la jeune photographe Saeko Shirasu vers la célébrité et la gloire.

 

Le fameux cliché, sobrement appelé "FLAG" dans le monde entier.

 

Cependant, à quelques semaines des négociations entre le diverses factions armées du pays, quelqu'un a volé le drapeau. Si cela devait être révélé, les négociations pourraient tomber à l'eau. Aussi, l'ONU décide donc de monter une équipe pour retrouver les voleurs et leur reprendre le drapeau. Ce groupe, c'est le SDC et il a pour particularité d'utiliser une arme expérimentale : un duo de robot de combat appelé les HAVWC. Et pour les accompagner et couvrir l'opération, l'ONU envoie Saeko Shirasu.

 

La rencontre de deux genres prônant le réalisme, pour une série "unique".

Servie par le studio The Answer en 2006, la série FLAG est surtout le fruit de la collaboration de Ryōsuke Takahashi et Kazuo Terada, respectivement les réalisateurs derrière Armored Trooper VOTOMS (Un classique du genre « Real Robot ») et Ulysse 31. Le résultat étonne par son format et sa forme. En effet, FLAG ne dure que treize épisodes. Un choix étonnant en ce qu'il rend difficile le développement d'une intrigue complexe ou des personnages qui l'animent. De plus, la série prend une direction visuelle assez rare en animation japonaise : le Found Footage.

Vous connaissez nécessairement ce genre très à la mode dans le cinéma horrifique moderne. Il s'agit tout simplement de montrer l'histoire qu'au travers d'une caméra tenue par l'un des personnages. Parfois, les points de vue se multiplient mais le résultat est souvent le même. Le but du genre est souvent de donner une « crédibilité » à ce qui est filmé et certains vont même jusqu'à utiliser de nombreux extraits vidéos ainsi que des photos et images d'archives, remontant le tout avec une voix-off pour assurer la narration. Le résultat est un vrai faux reportage.  (Ex : Lake Mungo) FLAG est de cette dernière catégorie. Le ton est d'ailleurs donné dés l'opening qui est tout simplement composé de photographies des différents conflits du vingtième siècle et de photographies de la vie de Saeko, de la naissance à l'âge adulte.

 

Animée par sa curiosité et sa bonté, la jeune photographe de 25 ans est finalement le personnage le plus attachant. 

 

Ici, nous suivons en fait deux personnages vivant les mêmes événements depuis des points de vue différents. D'un côté, nous avons bien entendu Saeko qui part s'installer à la base du SDC et les accompagne lors des opérations. Sachant qu'en prime, le reportage comprend les images filmées par les caméras des hélicoptères et HAVWC durant les missions. De l'autre côté de cette histoire, c'est Keiichi Akagi, mentor de Saeko lui aussi en plein reportage à Subasci, qui partage avec nous ce qu'il découvre.

Akagi est d'ailleurs le narrateur du reportage. (Ce qui peut parfois porter à confusion, le photographe ne précisant pas nécessairement quand il parle en temps que voix off ou quand il pense tout simplement à voix haute durant la vidéo qu'il nous montre) Son point de vue est celui des civils et des journalistes de guerre qui ne sont pas au courant du vol du drapeau. Il est également celui qui nous en apprendra plus sur la situation géopolitique du pays, Saeko n'en étant pas suffisamment avisée pour pouvoir en parler.

Le format Found Footage et la courte durée de la série participent à la crédibilité de l'histoire. On va à l'essentiel, sans fioriture. Et même si l'on ne connaît que peu de choses d'eux, les personnages deviennent, à leur manière, attachants. Aussi, c'est leur simplicité qui nous marque. Ce sont des gens avec des ambitions simples et des rêves simples. Quand le second lieutenant Nadi Olowokandi nous raconte pourquoi il a rejoint les Casques Bleus, ce n'est pas une histoire abracadabrante pleine d'héroïsme mais simplement l'envie d'un soldat de pouvoir aider son prochain alors que son propre pays a connu la guerre. Il en va de même pour la jeune marchande d'instruments de musique rencontrée par Akagi, qui ne rêve que de paix, ou encore des nomades croisés par Saeko qui vivent bien loin de la politique et de la guerre du monde « moderne ».

 

Finalement, FLAG n'est pas l'histoire d'une guerre mais plutôt  celle de ceux qui la vivent.

 

Mieux encore, FLAG est finalement plutôt critique envers la géopolitique. Les manigances de l'ONU, le fonctionnement hiérarchique, sont finalement montrés comme autant d'éléments qui participent malgré tout à la situation de crise du pays voire rendent les Casques Bleus impuissants.  Ainsi même si le SDC n'est animé que de bonnes attentions, le narrateur ne se manquera pas de remettre en question la légitimité des opérations du groupe qui attaque délibérément des factions armées alors que les forces de l'ONU n'ont pas été agressées au préalable, ou qui utilise tout simplement des armes expérimentales secrètes pour mener ses opérations.

De même, le journalisme de guerre est ici dépeint de façon assez ambigüe. Si, de prime abord, on est tenté de considérer ces gens comme des vautours qui viennent se nourrir de la peine des autres, ce que ne manquera pas de faire remarquer Akagi, ce que l'on voit au travers de l'objectif est finalement un groupe de personnages qui en est réduit à ne vivre que pour ça. L'ironie étant que même lorsqu'ils ne travaillent pas, ils prennent en plaisantant de nombreux clichés de leurs collègues et amis, comme si leur vit en dépendait, comme s'ils ne pouvaient vivre qu'à travers l'objectif de leur appareil. Au final, photographier devient parfois pour eux un véritable "cri du coeur", une flamme qui les animent et contre laquelle ils ne peuvent guère lutter.

Le ton est donc dur et mélancolique, quelque soit le point de vue dévoilé. Soldats, journalistes et civils, malgré leur rôle plus ou moins actifs, ne sont finalement que les spectacteurs de ce qui se déroule en Uddiyana. D'ailleurs, en dehors des antagonistes, il n'y a finalement aucune idéologie dévoilée, même chez les locaux. Les factions armées, très peu mises en avant, donnent presque l'impression de parasiter l'existence des autres citoyens, tant on ignore pourquoi elles se battent. Le résultat est une histoire qui prend des allures d'ode à la paix qui ne choisit le camp de personne, si ce n'est celui de ceux qui veulent que tout ça s'arrête.

C'est cette alchimie entre aspect humain et situation géopolitique à risque qui m'a fait penser à la licence Front Mission de Square-Enix.

 

De feu et d'acier. 

L'autre lien, évident, avec Front Mission, c'est le HAVWC. High Agility Versatile Weapon Carrier, de son nom complet, le HAVWC  inscrit clairement FLAG dans le genre Real Robot. Ici, point de super robot ultra puissant qui sauve le monde. Les machines se veulent rigoureusement réalistes. A plusieurs reprises, Saeko se voit prodiguée des explications techniques sur leur fonctionnement, leurs limitations et leurs capacités. Le HAVWC n'est pas tant un robot géant qu'un simple exosquelette voire un tank. C'est une arme, et rien d'autre, comme l'est le Wanzer de Front Mission. FLAG renforce même un peu plus cette image en ne donnant justement pas aux machines un air humanoïde. Elles ont des bras et des jambes, mais pas de têtes. De même, elles peuvent se « transformer » pour devenir de simples véhicules blindés sur roues.

 

Le HAVWC est finalement très éloigné des armes bipèdes colorées que l'on trouve souvent dans le genre mecha, préfèrant ainsi l'approche des "Real Robots".

 

Et étrangement, ça fonctionne.  Par sa forme et son comportement lors des séquences de combat où il est finalement très statique, le HAVWC est le robot le plus crédible que j'ai pu voir dans une série japonaise ou même un film de science-fiction. Il n'est pas cool. Il n'a pas de classe. Il est juste terriblement fonctionnel, à l'image des AC de Armored Core, des Wanzers de Front Mission ou, forcément, des VOTOMS. On est donc très loin des Real Robots au design plus "esthétique" comme les Gundam, les EVA ou encore les Orbital Frame. Là encore, le fait de voir à travers sa caméra embarquée avec le bruit terrifiant de la mitrailleuse qui est étouffé par l'épaisseur du blindage, donne un aspect très réel au robot. Finalement, il n'y a que le fait que l'on regarde un dessin-animé avec des séquences en CG pour les combats qui nous rappelle que l'on regarde une fiction. (Surtout lorsqu'on sait qu'au Japon ils sont en train de développer ce type de machine pour de vrai)

 

FLAG est donc une histoire simple mais très intéressante par son réalisme.  Une fiction qui fait écho avec la réalité de notre monde, son fonctionnement et qui anticipe un avenir crédible. Un peu comme Front Mission finalement. (cf l'excellent article de afterburner)